Géosciences - Littérature - Vie dans Paris 13ème

jeudi 8 avril 2010

Le dérèglement du monde - Amin Maalouf (2009)

Ce livre, comme le souligne l’éditeur, s’inscrit dans la continuité de son essai de 1998 - Les identités meurtrières.

Si je devais retenir deux termes de ce livre ce serait « conscience morale » et « droit à la dignité ». L’ouvrage s’articule en trois parties - Les victoires trompeuses – Les légitimités égarées et enfin Les certitudes imaginaires.

Les victoires trompeuses, c'est évidemment le déroulement de la chute du monde communiste mais pas pour autant victoire du capitalisme, le glissement progressif de « l’idéologique vers l’identitaire » avec une perte générale de la conscience morale des états et de peuples. Amin Maalouf passe au filtre de cette lecture les évènements de ces dix dernières années et les recompositions désastreuses, faute pour l’occident d’avoir su exporter les valeurs universelles qui l’ont fondé. Désordre et déséquilibres, notamment par les conflits armés d’Irak ou d’ailleurs qui ont déstabilisé et recomposé dans le mauvais sens du terme des pays entiers. L’Irak est évidemment emblématique de cette décomposition. Les Mandéens, communauté discrète d’Irak, vont ainsi disparaître après 14 siècle de présence dans ce pays, tout simplement parce que au nom de la démocratie une armée à déboulé « dans l’antique Mésopotamie comme un hippopotame dans un champ de tulipes ». Ce point m’a particulièrement touché car nous atteignons là à la disparition des sources même de nos civilisations. Une partie qui décline des évènements connus mais que Amin Maalouf sait recadrer dans le sens d’un altruisme universel à travers un citation du prophète « Le meilleur des hommes, c’est le plus utile aux hommes »

Dans une deuxième partie assez longue, après s’être penché sur la notion de légitimité et surtout de « légitimité patriotique », il retrace et analyse la perte de cette légitimité chez des leaders charismatique du Moyen orient – Atatürk, Gamal Abdel Nasser, Sadam Hussein – l’analyse est rigoureuse et riche mais il serait un peu long de développer. Cette partie se termine par les évènements financiers récents, conséquence, selon Maalouf du déséquilibre engendré par la chute du régime communiste car « privé de ce correctif, le système a rapidement dégénéré (…).Son rapport à l’argent et à la manière de le gagner est devenu obscène ». Il prolonge cette analyse en proposant que ce dérèglement financier soit « le symptôme d’un dérèglement dans notre échelle des valeurs ».
La dernière partie tente de tracer une action et de proposer des pistes pour une sortie de crise « par le haut ». Ceci exige de « d’adopter une échelle des valeurs basée sur la primauté de la culture ; (….) sur le salut par la culture ». Outre la culture et son vecteur la littérature, un des points essentiels et l’acceptation de la dignité de l’autre. C’est pour moi un point essentiel et il nous faut vaincre cette « infirmité mentale qui empêche de voir la personne au-delà de sa couleur, de son apparence, de son accent ou de son nom ». Cela exige, pour nous occidentaux, la remise en perspective de tout notre héritage culturel colonial. Une mutation difficile mais indispensable si nous voulons être acteurs dans le « village global ». Vision utopique ou sortie de la préhistoire, attente inquiète ou espérance marquée par ce qui c’est passé aux Etats-Unis en 2008. L’avenir est ouvert (ou définitivement fermé dans le chaos ?).
Un bel essai pour penser les dérèglements actuels mais aussi penser à de nouvelles approches de vie en commun sur cette Terre finie et dont les frontières sont de plus en plus virtuelles.

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