Géosciences - Littérature - Vie dans Paris 13ème

jeudi 3 juin 2010

5 ans pour deux instituts lausannois



La Faculté des géosciences et environnement de l’Université de Lausanne, a été créée en 2003. Elle comprend 6 instituts et les deux derniers créés, l’Institut de géomatique et d’analyse du risque et l’Institut de politique territoriale et d’environnement humain fêtaient leur 5 ans le 27 mai 2010. A cette occasion les deux directeurs m’avaient proposé de faire une petite introduction à cette journée anniversaire, en prologue aux conférences des scientifiques invités.
Pour faire un peu de pub à cette jeune faculté dont le nombre d’étudiants atteint le millier, avec 40% de doctorants et post-doctorants, j’ai décidé d’éditer ce court texte avec quelques liens pour le curieux.

Mesdames, Messieurs
En ma qualité de vénérable ancien de la
faculté, les directeurs de l’IGAR et de l’IPTEH m’ont fort aimablement invité à dire quelques mots d’introduction pour cet après-midi d’anniversaire.
Sur la base d’évènements récents, j’ai intitulé cette courte intervention : Entre deux catastrophes, l’IGAR et l’IPTEH…en référence à des évènements récents et à la démarche qui nous a conduit à la création de ces deux instituts.
Mais avant un peu d’histoire…
Vos deux instituts ont cinq ans, c’est dire qu’ils ont suivi de p
eu la création en 2003 de la Faculté, fondée sur les quatre instituts de géologie et paléontologie, de minéralogie et géochimie, de géophysique, en provenance de la faculté des sciences, et de l’institut de géographie en provenance de la faculté des lettres.
La création de ces deux nouveaux instituts répondait à des objectifs, qui trouvaient leur origine d’une part dans la volonté de refondation de l’Université exprimée par le c
onseil d’Etat du canton de Vaud, en janvier 2002, mais aussi d’autre part dans une réflexion scientifique, à l’époque quelque peu iconoclaste
En effet, dès le 18 mai 2001, un groupe de travail préconisait la création d’un centre de géomatique qui devait être en quelque sorte le nœud de réseau interne d’une nouvelle faculté. Cet institut serait essentiellement orienté vers la gestion du risque et la modélisation, en fait vers tout ce qui concernerait le traitement numérique et spatial des données et leur modélisation ce n’était pas encore l’IGAR mais presque. La conception de l’IPTEH interviendra un peu plus tard
dans le travail de la commission de structure de la faculté qui rendra son rapport en novembre 2002 et nous allons voir pourquoi.
Car, comment et pourquoi en sommes nous arriver à créer ces instituts.
Et là je sors de la faculté et je reviens aux catastrophes.
Il y a exactement 30 ans, le 18 mai 1980, à 8h32 du matin le mont St Helens, dans l’état de Washington, entrait en éruption. Après une période d’inflation de quelques mois, tout le flanc sud du volcan, 2.8 km3, s’effondrait en masse, entraînant la décompression brutale d’un crypto-dôme dacitique qui explosera en provoquant un blast horizontal qui détruira tout sur 625 kilomètres carrés en trois minutes et dans un angle ouvert à 180°. Le glissement de terrain va envahir les zones avoisinantes et se propager sur plus de vingt kilomètres. 15 minutes après le début de l’éruption, le panache plinien atteignait 25 km, il provoquera une paralysie de la ville de Portland, des cendres vont retomber sur 11 états des Etats unis en quelques heures et traverser les Etats unis en 3 jours. Le nuage de cendre fera le tour de la terre en 15 jours. On en retrouvera des effets en Norvège fin juillet et les vendanges en France seront mauvaises. Cette catastrophe dont les coûts furent somme toute modestes, un peu moins de 2 milliards de dollars, nous apprit beaucoup de choses sur les glissements en masse d’origine volcanique ou non:
1) que des phénomènes inconnus ou non identifiés pouvaient encore exister et que par conséquent le travail géologique consistant à interpréter l’histoire géologique locale était plus que jamais nécessaire. Des structures mal connues ou faisant débats furent enfin réinterprétées tant sur les volcans qu’en montagne :

2) que les moyens et techniques de surveillance étaient insuffisants pour prévoir ce type d’aléa et qu’il fallait développer d’autres techniques plus précises. Dans les années qui suivirent se développèrent le GPS, le Lidar, la télémétrie par satellite, les technologies microondes, l’analyse en temps réel des séismes, l’analyse radar de la déformation, des modélisations incluant tous les paramètres disponibles et livrés en modèles numériques tels que ceux que vous utilisez quotidiennement, une véritable révolution technologique ;
3) que la structure sociale d’une zone urbanisée, relativement éloignée de la zone de risque directe, pouvait être gravement perturbée et que
dans ces conditions l’analyse de l’impact socio-économique et épidémiologique était indissociable de l’analyse physique ;
4) autrement dit sur un territoire donné les risques au sens large devaient donner lieu à un approche trans-disciplinaire.
Au-delà, de ces aspects de gestion des risques naturels, notre réflexion avec les nouveaux acteurs de la faculté, dont les préoccupations étaient tournée vers la géographie humaine et urbaine, nous entraînaient vers une nouvelle approche environnementale. L’homme pouvait lui aussi engendrer des perturbations du milieu physique à travers un pouvoir et un développement économiques non maîtrisés
. Le regard de l’homme change le paysage. Ces derniers jours viennent de nous en apporter une preuve malheureusement criante et durable, si vous me permettez ce mauvais jeu de mot. Du fait d’un accident industriel et du non fonctionnement de vannes de sécurité, pour des raisons encore inconnues, une des plus vastes catastrophes ecologique est en cours. La nature n’a rien à voir à dedans. Pour des raisons que je n’ai pas à développer ici, le risque n’a pas non plus été apprécié à sa juste valeur (ou à son juste prix). Nous avions mené une réflexion sur ces directions de recherche dès 2002 et c’est ce qui nous avait amené à la création de l’IPTEH. Cet institut, dans notre rapport de structure, serait en charge de ce qui concernait justement les risques industriels et devrait mener une réflexion de fonds sur la philosopie et l’éthique environnementale au sens le plus large.
J’ai la faiblesse de penser que nous avons vu juste et qu’au bout de 5 ans, la faculté a atteint dans ces domaines et à travers l’IGAR, l’IPTEH et les autres instituts, l’expérience et la maturité pour une véritable efficacité dans le domaine de l’environnement territorial.
J’aimerais conclure sur deux points :
Arrivée à maturité, il est peut-être temps pour la faculté de nouer de nouvelles alliances, voire de d’élaborer de nouvelles structures lui permettant de développer ses domaines de compétences transversaux, tant sur le plan de la recherche que de l’enseignement. Le décanat et les directeurs d’instituts y travaillent mais tous doivent s’impliquer. Le projet Geocover, en est un exemple, les collaborations internationales de l’IPTEH en sont un autre exemple. Des liens avec notre grand voisin, l’EPFL, sont indispensables
Le second point que je défendrais, comme il y a dix ans, c’est que quelques soient les choix de développement, ils ne doivent pas se faire aux dépends des disciplines de base des géosciences. Il ne s’agit pas de revenir aux fondamentaux comme le disent parfois les politiciens qui ont raté une marche mais bien de les conserver car ils sont le socle sur lequel nous pouvons bâtir tout le reste. Sans fondations une maison est une ruine en puissance.
L’installation dans le nouveau bâtiment de la faculté, en 2012, en permettant enfin de tous vous réunir sous un seul toit, devrait faciliter ces mutations et vous donner les moyens nécessaires à votre croissance.
Bon anniversaire donc à l’IGAR et l’IPTEH, longue vie à la Faculté et mes remerciements à tous ceux qui œuvrent à son succés : le rectorat et en particulier notre recteur, le professeur Dominique Arlettaz, qui a toujours appuyé notre démarche, les doyens et tout le personnel du décanat qui se sont investis sans ménager leur peine durant toutes ces années de mise en œuvre, les enseignants, ballottés au gré des réformes des programmes d’enseignement, les personnels techniques et administratifs chargés de s'accommoder de directives, pas toujours cohérentes ou suivies et bien sûr les étudiants sans qui nous ne serions rien et qui ont voté avec leurs pieds si je puis dire, puisqu’ils sont venus en nombre, confiants dans les programmes que nous leur proposions, alors, ne les décevez pas, soyez les meilleurs.

Quelques liens:
http://www.unil.ch/actu
http://www.unil.ch/gse
http://www.unil.ch/igar
http://www.unil.ch/ipteh